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    La résorption mandibulaire, une manifestation méconnue de la sclérodermie systémique

    Pierre Charles, Alice Berezné, Loïc Guillevin, Luc Mouthon
    Université Paris-Descartes, faculté de médecine, et service de médecine
    interne, Centre de référence national pour la sclérodermie et les vascularites
    systémiques, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris (75)
    Correspondance :
    Luc Mouthon, Service de médecine interne, Hôpital Cochin, 27 rue du faubourg
    St-Jacques, 75679 Paris Cedex 14.
    Tél. : 01 58 41 21 01
    Fax : 01 58 41 14 50
    luc.mouthon@cch.aphp.fr
    Reçu le 13 septembre 2005
    Accepté le 16 décembre 2005
     Summary
    Mandibular resorption, an underdiagnosed manifestation
    of systemic scleroderma
    Introduction > Systemic sclerosis (SSc) is sometimes associated with
    bone resorption that can reach the mandible.
    Cases > We report here the cases of two women (aged 47 and
    57 years) with SSc diagnosed 13 and 26 years earlier, respectively.
    Both presented marked mandibular bone resorption. The first had
    prominent interstitial lung disease, and the second, who died within
    a few months, had severe left ventricular dysfunction due to SSc.
    Discussion > Mandibular resorption is a rare but probably underdiagnosed
    manifestation of SSc. In addition to its esthetic effects, it can
    cause severe disability.
    Charles P, Berezné A, Guillevin L, Mouthon L. La résorption mandibulaire,
    une manifestation méconnue de la sclérodermie systémique.
    Presse Med. 2006; 35: 611-4 © 2006, Masson, Paris
     Résumé
    Introduction > La sclérodermie systémique (ScS) est parfois associée
    à la survenue de phénomènes de résorption osseuse pouvant toucher
    la mandibule.
    Observations > Nous rapportons deux observations de ScS diffuse
    sévère avec résorption mandibulaire bilatérale. Il s’agissait de
    2 femmes âgées respectivement de 47 et 57 ans ayant une maladie
    évoluant depuis 13 et 26 ans lors de la mise en évidence des lésions
    mandibulaires. La première avait une atteinte interstitielle pulmonaire
    prédominante et la seconde une atteinte ventriculaire gauche liée à sa
    sclérodermie qui a entraîné le décès dans un délai de quelques mois.
    Discussion > La résorption mandibulaire est une manifestation rare
    de la ScS, dont l’incidence est probablement sous estimée. En plus du
    retentissement esthétique, cette atteinte est susceptible d’entraîner
    une gêne fonctionnelle sévère.
    612 tome 35 >
    n°4
    >
    avril 2006 >
    cahier 1
    Charles P, Berezné A, Guillevin L, Mouthon L
    La sclérodermie systémique (ScS) est une affection caractérisée
    par la survenue de lésions de fibrose intéressant principalement
    la peau et le parenchyme pulmonaire et par l’existence
    d’une vasculopathie responsable d’un syndrome de
    Raynaud associé parfois à une hypertension artérielle pulmonaire
    (10 à 14 % des cas) [1] ou à une crise rénale (10 % des
    cas) [2]. En fonction de l’étendue des lésions cutanées, on
    sépare les formes cutanées limitées, où la sclérose cutanée est
    uniquement distale, correspondant à ce que l’on appelait
    autrefois le Crest syndrome, et les formes cutanées diffuses,
    correspondant à une atteinte cutanée intéressant la partie
    proximale des membres, la face, le cou et quelquefois le tronc
    [3]. Dans les formes diffuses de la maladie, les atteintes viscérales
    sont fréquentes, l’atteinte interstitielle pulmonaire est
    la plus fréquente [3].
    L’atteinte du visage est également fréquente au cours de la
    ScS, associant des lésions de sclérose cutanée, des télangiectasies,
    un amincissement voire un effacement des lèvres,
    l’existence de plis radiés péribuccaux, et une diminution de
    l’ouverture buccale. La survenue d’une résorption de la mandibule,
    pouvant être à l’origine d’une gène esthétique et fonctionnelle
    marquée, est encore peu connue. Nous en rapportons
    deux observations.
    Observations
    Observation 1
    Une femme de 47 ans, née au Maroc, ayant une ScS diffuse,
    compliquée d’une polyarthrite, d’un reflux gastro-oesophagien,
    et d’une atteinte interstitielle pulmonaire évoluant depuis l’âge
    de 34 ans a été hospitalisée dans le contexte d’une aggravation
    de sa maladie. L’atteinte interstitielle pulmonaire évoluait
    depuis au moins 8 ans (elle n’avait pas été recherchée à la
    phase initiale de la maladie). Du fait d’une dégradation des
    épreuves fonctionnelles respiratoires, elle avait été traitée deux
    ans auparavant par 12 bolus de cyclophosphamide intraveineux
    à la dose de 0,6 g/m2 relayés par de 100 mg/j d’azathioprine
    per os en association à 10 mg/j de prednisone.
    À l’entrée, la patiente avait des lésions cutanées étendues qui
    intéressaient le tronc, le visage et les membres, avec un score
    de Rodnan modifié à 36 (encadré). La patiente avait perdu plusieurs
    dents depuis le début de l’évolution de la maladie.
    L’ouverture buccale était diminuée à 22 mm entre les arcades
    dentaires. Il existait une infiltration scléreuse du visage et du
    cuir chevelu avec une alopécie, des télangiectasies, des zones
    dépigmentées et une encoche au niveau de l’angle mandibulaire
    qui n’était pas présente deux ans auparavant (figure 1).
    La recherche d’anticorps anti-Scl 70 était positive. La patiente
    avait une atteinte osseuse avec une résorption des houppes
    des phalanges des trois premiers doigts de la main droite. Les
    radiographies de la mandibule montraient une résorption marquée
    des 2 angles mandibulaires (figure 2). Il n’a pas été mis
    en évidence d’élargissement du ligament alvéolo-dentaire.
    Observation 2
    Une femme de 57 ans avait une ScS évoluant depuis 26 ans. Elle
    avait un syndrome de Raynaud sévère, des lésions cutanées diffuses,
    des ulcérations chroniques et une polyarthrite ayant
    nécessité un traitement par 10 mg/semaine de méthotrexate
    en association à 5 mg/j de prednisone. Après 25 ans d’évolution,
    la patiente a développé une insuffisance ventriculaire
    gauche. Les lésions du visage étaient importantes avec une limitation
    de l’ouverture buccale à 19 mm, une infiltration scléreuse
    de la face et du cuir chevelu, des télangiectasies profuses. Le
    score de Rodnan modifié était à 48. Elle avait de plus de multiples
    ulcères du scalp, des télangiectasies et une dépression
    importante au niveau de l’angle de la mandibule qu’elle n’était
    pas capable de dater précisément mais qui remontait à plus de

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