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    Lésion blanche de la muqueuse buccale

    White plaque of oral mucosa
    S. Trojjet a, I. Zaraaa,∗, I. Chellyb, H. Zribi a,
    M. Moknia, M. Zitounab, A. Ben Osmana
    a Service de dermatologie, hôpital La Rabta, Jabbari, Baab Saadoun, 1007 Tunis, Tunisie
    b Service d’anatomie pathologique, hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie
    Rec¸u le 15 juillet 2008 ; accepté le 12 septembre 2008
    Disponible sur Internet le 16 avril 2009
    Observation du cas
    Une femme âgée de 68 ans était suivie en stomatologie
    depuis plus de 35 ans pour lésions gingivales chroniques. Plusieurs
    extractions dentaires avaient été alors pratiquées.
    L’anamnèse retrouvait la notion de lésions gingivales blanchâtres
    lentement extensives, occasionnant une gêne à
    l’alimentation, pour lesquelles elle avait rec¸u des traitements
    symptomatiques sans aucune amélioration. La
    patiente ne présentait pas d’antécédents pathologiques
    notables, en particulier il n’y avait pas de notion de tabagisme.
    L’examen de la cavité buccale relevait des lésions
    blanchâtres verruqueuses, confluant en plaques à bords irréguliers,
    atteignant de fac¸on diffuse la région antérieure de
    la gencive inférieure et la face interne de la lèvre inférieure
    jusqu’aux prémolaires (Fig. 1). Il n’y avait pas d’infiltration.
    La langue et le palais étaient indemnes de toute lésion. Le
    reste de l’examen cutanéo-muqueux était normal, en particulier
    il n’y avait pas d’adénopathies cervicales.
    ∗ Auteur correspondant.
    Adresse e-mail : inesrania@myway.com (I. Zaraa).
    Figure 1.
    Quelles sont vos hypothèses
    diagnostiques?
    0151-9638/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
    doi:10.1016/j.annder.2008.09.027
    454 S. Trojjet et al.
    Hypothèses du comité de rédaction
    Les hypothèses du comité de rédaction ont été :
    • un hamartome spongieux muqueux (white sponge naevus)
    ;
    • une leucokératose acquise traumatique ;
    • un lichen plan.
    Commentaires
    Notre patiente présente des lésions buccales chroniques,
    résistantes à tous les traitements proposés. L’examen
    retrouvait des plaques blanches à surface irrégulière de la
    muqueuse gingivale et du versant muqueux de la lèvre inférieure.
    Devant ce tableau clinique, les principaux diagnostics à
    évoquer sont les leucokératoses acquises, comme les candidoses,
    le lichen plan et les leucoplasies. Mais il n’y avait dans
    cette observation aucun argument clinique ou paraclinique
    permettant de retenir ces hypothèses.
    L’interrogatoire ne retrouvait pas de notion de tabagisme
    ou de déficit immunitaire acquis ou congénital et la
    patiente rapportait l’échec de multiples traitements antifongiques
    locaux et systémiques correctement conduits. Par
    ailleurs, le grattage avec l’abaisse langue permettait de
    détacher difficilement des grands lambeaux laissant apparaître
    une muqueuse saine non érosive, pouvant éliminer une
    lésion pseudomembraneuse (celle-ci se détache facilement
    et laisse découvrir une érosion) et une leucokératose (qui ne
    disparaît pas au grattage). L’examen clinique ne retrouvait
    pas d’autres lésions cutanéomuqueuses. Les prélèvements
    mycologiques étaient négatifs.
    Bien qu’il s’agisse d’une patiente de 68 ans, on peut
    également évoquer devant ce tableau les dyskératoses
    congénitales et le diagnostic d’hamartome muqueux spongieux
    (white sponge naevus) a été retenu, devant l’aspect
    histologique, montrant une muqueuse buccale revêtue par
    un épithélium malpighien acanthosique, papillomateux,
    hyperkératosique avec des images de dyskératose monocellulaire.
    Les cellules du corps muqueux étaient clarifiées
    Figure 2. Épithelium acanthosique, papillomateux, avec dyskératose.
    par un oedème marqué intra- et intercellulaire (Fig. 2).
    L’immunofluorescence directe était négative.
    La patiente a été traitée par cyclines par voie orale avec
    une évolution partiellement favorable au bout de six mois
    de traitement (Fig. 3).
    Le white sponge naevus est une dyskératose congénitale
    bénigne rare, autosomique dominante à pénétrance
    et expressivité variable [1]. Il n’y a pas de prédilection
    de sexe ni d’ethnie. Elle est causée par les mutations des
    gènes exprimant les kératines suprabasales K4 et K13 [2—4].
    Quelques cas sporadiques ont été décrits, comme c’est le
    cas de notre patiente qui ne rapportait pas de cas familiaux.
    Aucun facteur étiologique n’est retrouvé dans ce tableau
    (ni traumatique, ni tabagique, ni infectieux). Les poussées
    pourraient être déclenchées par la surinfection bactérienne
    [5].
    La lésion apparaît dès la naissance ou la première
    enfance et augmente progressivement de taille jusqu’à
    l’adolescence. Notre patiente rapporte une évolution lente,
    depuis l’âge de 38 ans. Un début plus précoce est probable
    mais méconnu par la patiente.
    L’atteinte est souvent diffuse avec des plaques blanches,
    à surface irrégulière, de consistance molle [1]. L’épaisseur
    et la taille des plaques sont variables d’un sujet à l’autre et
    peuvent varier dans le temps chez le même individu. Elles
    siègent de préférence sur les muqueuses jugales, la langue,
    les vestibules, le palais et le plancher buccal. Les autres
    muqueuses (nasale, anale et vaginale) peuvent être affectée
    s [1,6]. Il n’y a pas d’atteinte cutanée [1,7].
    L’histologie reste un élément clé du diagnostic [7,8]. Elle
    montre un épaississement de l’épithélium, une spongiose du
    stratum spinosum, un défaut de kératinisation en surface et
    une parakératose dans les couches les plus profondes. La
    microscopie électronique est contributive dans les cas douteux,
    montrant une répartition inégale des tonofilaments
    dans le cytoplasme des kératinocytes [1,7].
    Les autres dyskératoses congénitales comme la pachyonychie
    congénitale (syndrome de Jadassohn-
    Lewandowski), la dyskératose congénitale (syndrome
    de Zinsser-Cole-Engman), la maladie de Darier peuvent
    poser un problème de diagnostic différentiel [8].
    Figure 3.
    Lésion blanche de la muqueuse buccale 455
    L’évolution est chronique sans transformation en carcinome.
    Aucun traitement n’est habituellement indiqué,
    mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de
    l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été
    proposés avec un effet suspensif. Les tétracyclines en bains
    de bouche [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur
    efficacité dans quelques cas au moment des poussés comme
    chez notre patiente.
    Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen
    histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion
    précancéreuse et poser le diagnostic positif.
    Références
    [1] Fontes V, Vaillant L. Hamartome spongieux muqueux. Ann Dermatol
    Venereol 2002;129:1069—70.
    [2] Rugg E, Magee G, Wilson N, Brandrup F, Hamburger J, Lane E.
    Identification of two novel mutations in keratin 13 as the cause
    of white sponge naevus. Oral Dis 1999;5:321—4.
    [3] Terrinoni A, Candi E, Oddi S, Gobello T, Camaione DB, Mazzanti
    C, et al. A glutamine insertion in the 1A alpha helical domain
    of the keratin 4 gene in a familial case of white sponge naevus.
    J Invest Dermatol 2000;114:388—91.
    [4] Richard G, De Laurenzi V, Didona B, Bale SJ, Compton JG.
    Keratin 13 point mutation underlies the hereditary mucosal
    epithelial disorder white sponge naevus. Nat Genet
    1995;11:453—5.
    [5] Lucchese A, Favia G. White sponge naevus with minimal clinical
    and histological changes: report of three cases. J Oral Pathol
    Med 2006;35:317—9.
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    naevus of the vulva. Int J Gynaecol Obst 1985;23:505—7.
    [7] Morris R, Gansler TS, Rudisill MJ, Neville B. White sponge naevus.
    Diagnosis by light microscopy and ultrastructural cytology.
    Acta Cytol 1988;32:357—61.
    [8] Vaillant L, Huttenberger B. Diagnostic d’une lésion blanche
    de la cavité buccale. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
    294—6.
    [9] Beaulieu P, Le Guyadec T, Boutchnei S, Gros P, Grossetête
    G, Millet P. Intérêt des cyclines dans l’hamartome spongieux
    muqueux. Ann Dermatol Venereol 1992;119:933—5.
    [10] Otobe IF, de Sousa SO, Matthews RW, Migliari DA. White sponge
    naevus: Improvement with tetracycline mouth rinse: Report of
    four cases. Clin Exp Dermatol 2007;32:749—51.

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